DUTOIT-MEMBRINI

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DUTOIT-MEMBRINI

DUTOIT-MEMBRINI JEAN-PHILIPPE DUTOIT dit (1721-1793)

Successeur de Saint-Georges de Marsais et de Fleischbein, Dutoit-Membrini est né à Moudon (Suisse), dans une famille aux tendances piétistes. À part un voyage à Strasbourg, où il est précepteur en 1746, toute sa vie s’écoule entre Berne, Moudon et Lausanne. Une maladie, en 1752, décide de sa vocation mystique, suscitant une crise intérieure qui aboutit à une nouvelle naissance spirituelle; celle-ci ne sera pas pour lui le point de départ de la paix et de la joie, mais le fait entrer dans une voie douloureuse, «dans le désert de la foi obscure».

L’œuvre de Mme Guyon, dont il dit: «Après la Vierge Marie, je ne connais point de créature à lui comparer», l’éveille en orientant sa réflexion. Il prise fort Saint-Georges de Marsais, Antoinette Bourignon et Pierre Poiret. Ministre protestant à Lausanne, il s’y fait remarquer par ses talents de prédicateur.

Dans les années 1750, il tente de faire pièce aux succès que Voltaire, fixé à Montriond, remporte dans les milieux lausannois. Sous son influence, le marquis de Langallerie et son frère, le chevalier Charles de Langallerie, qui avaient brillé d’un vif éclat dans le cercle voltairien de Lausanne, se retirent du monde, se convertissent à l’«intérieur». Trop malade pour pouvoir continuer à prêcher, Dutoit se consacre, à partir de 1760, à la rédaction de ses ouvrages. Par Klinkowström, qu’il dirige spirituellement, il est mis en rapport avec le comte Frédéric de Fleischbein, qu’il va considérer comme son directeur pendant près de quinze années (de 1760 à 1774), malgré certains désaccords en matière de théosophie. À la mort de Fleischbein (1774), Dutoit se charge seul du fardeau de guider les âmes ainsi privées de leur directeur. Le groupe de ces «âmes intérieures», dont le siège était à Berlebourg, se déplace alors à Lausanne avec Dutoit, autour duquel se réunit ce cercle de piété, fraternité de chrétiens qui ne s’imposent aucune organisation de caractère maçonnique et communient dans des affinités, des aspirations, des réactions semblables, d’une manière spontanée rappelant les collegia pietatis de Spener. L’une des «âmes intérieures» les plus caractéristiques de ce milieu est Daniel Pétillet, qui rencontre Dutoit en 1777 à l’âge de dix-neuf ans et qui restera jusqu’à la mort du théosophe son secrétaire, son confident, son fils spirituel.

La maladie assombrit les dernières années de la vie de Dutoit, ce qui ne l’empêche pas de se consacrer à ceux qui viennent le trouver, ni de se rapprocher de son idéal de perfection. Après sa mort, Mme de Staël continue à entretenir d’étroites relations avec son école. Le chevalier Charles de Langallerie, cousin de Benjamin Constant et gendre du collaborateur de Dutoit, Jean-François Baillif, assume le pontificat de ces piétistes, tandis que le comte de Divonne voue un culte particulier à la mémoire du théosophe. Finalement, les derniers membres du groupe se convertissent au catholicisme.

La piété de Dutoit n’est pas toujours souriante. Comme Mme Guyon, il met l’accent sur la nécessité de détruire en soi la «propriété»: «Dieu ne peut vivre en nous que lorsque tout y est mort.» Il parle de la Vierge et de l’Immaculée Conception en des termes peu courants chez les protestants. On comprend qu’il se rattache lui aussi à l’Église intérieure, qui outrepasse, selon son expression, «toutes les montagnes de Garizim et de Jérusalem». Il s’en prend à Butler, qui veut expliquer la foi par la «religion naturelle»; à Swedenborg, qui se maintient trop dans l’esprit «astral»; à Saint-Martin, qui fait souvent filtrer la vérité de l’Écriture «à travers son imagination» dont elle prend «trop souvent la teinture et le vernis» (mais, à part cela, Saint-Martin «a du bon»); à Cagliostro et à Mesmer, qui «ont trahi leur cause par les impostures qu’ils y ont mêlées».

La pensée de Dutoit se calque sur son expérience; les mystères lui sont révélés d’une manière expérimentale, mais il enseigne à se détourner du magnétisme, de la magie, de la théurgie; comme Saint-Georges de Marsais, il développe une théorie de l’astral. Sans Fleischbein, il eût peut-être écrit davantage d’ouvrages théosophiques; pourtant, malgré l’influence de ses maîtres, il ne renonce pas à la liberté de penser: sa Philosophie divine (1793) le prouve.

La théosophie membriniste enseigne à vénérer dans la nature la sagesse du Logos, qui répand sa lumière sur tous les hommes et dont notre raison n’est qu’un reflet au même titre que l’instinct animal. De la Trinité émane le Verbe; les Idées, ou Élohims, sont des formes originelles, les germes de toutes les créatures. L’Homme-Dieu est l’un de ces Élohims; même si le péché originel n’avait pas été commis, le Logos serait apparu, dans le seul dessein de diviniser l’homme.

Comme en toute théosophie, le déroulement d’un processus spirituel entraîne des conséquences dans le monde; par la chute de la troisième partie des anges, le feu céleste perdit sa pureté: ainsi se formèrent les cieux, qui ne sont pas purs devant Dieu. En tombant, les esprits déchus mêlèrent confusément le terrestre et le céleste, créant le chaos universel; de ces «affreux débris», Dieu forme la terre, demeure de l’homme créé libre et d’abord soumis à l’épreuve. De ce nouveau «palais de toute magnificence», l’homme devait rester le dominateur, le roi. L’homme androgyne portait le pur feu divin en lui; il tomba par les sens, se retrouva habillé de chair, entraînant toute la nature dans sa chute. La matière représente donc ce qu’il y a de plus éloigné de l’être véritable; elle «n’est pour ainsi dire que l’excrément de l’être primitif». De «microthée» qu’il était, l’homme n’est presque plus que «microcosme»; son principe n’est plus l’esprit de Dieu, mais l’esprit astral. Toutefois, le Logos demeure le principe de son existence: on le pressent encore en écoutant la voix de la conscience, en éprouvant la nostalgie de Dieu. La Rédemption, fait unique, a une importance non seulement humaine mais cosmique. Tant qu’il n’est pas régénéré, l’homme est soumis à la loi disposée par les anges, administrateurs chargés du «calcul moral du péché».

Encyclopédie Universelle. 2012.

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